Ils sont l’épine dorsale du commerce numérique chinois

Une autre des choses les plus frappantes ici est l’omniprésence des services digitaux, le seul accessoire indispensable à avoir avec soi en permanence n’est pas son portemonnaie, ni ses clés ni ses papiers (pas toujours) mais son téléphone portable. Il sert de moyen de paiement, de moyen d’accès, de communication délaçant ses fonctions de base. Je n’imaginais pas que la Chine soit déjà si avancée en termes de déploiement des services numériques.

Ici, sans les applications WeChat et Alipay, vous êtes complètement handicapés, elles vous permettent de commander, de payer, d’interagir avec toutes vos connaissances, de partager une facture de restaurant, de prendre rendez-vous chez le docteur, de payer votre consultation, de réserver un taxi, un vélo et aussi de payer le petit vendeur du coin sur sa charrette à qui vous achetez une patate douce ou un ananas fraîchement découpé…

Au-delà du paiement dans les commerces et restaurants, j’ai été très frappé par l’ampleur du commerce électronique, ici tout se trouve et tout s’achète sur internet grâce à WeChat ou Alipay associés à un nombre d’applications spécifiques. Cela se traduit en pratique par une armada de coursiers sur les routes, dans les magasins, dans les ascenseurs; affairés, avec les yeux rivés sur leurs téléphones, pour livrer au plus vite et au bon endroit le colis qu’ils transportent.

Ces coursiers avec leurs casques et leurs gilets jaunes, bleus, rouges ou verts sont simplement partout et sans eux rien ne se passerait et ce système où tout est disponible quasiment à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit s’écroulerait. La réactivité de ces services est aussi impressionnante, pour autant que la marchandise soit disponible sur Pékin tout est en général livré dans la journée ! Cela fait que le tri des colis est parfois assez « folklorique » mais apparemment rien ou presque ne se perd et les livreurs sont plus qu’honnêtes, rien n’est jamais dérobé ! Les colis s’empilent derrière les portes des appartements ou à l’extérieur où chacun vient récupérer son bien au moment où il le peut. C’est assez inhabituel vu de l’Europe ce système et cette confiance et cette sécurité qui règnent ici !

J’ai compilé (merci DeepSeek) quelques chiffres pour mieux illustrer l’importance de ces activités ici à Pékin. Le commerce électronique devient dominant pour partie des biens de consommation courants :

4 ou 5 plateformes dominent le marché à Pékin:

Ele.me (饿了么 – propriété d’Alibaba)
Principal concurrent (25-30% de marché).

Meituan Waimai (美团外卖)
Leader incontesté (65-70% de part de marché alimentaire).

JD Daojia (京东到家) pour les livraisons rapides de supermarchés.

Cainiao (菜鸟 – Alibaba) & JD Logistics (京东物流) pour les colis.

Didi Food (滴滴外卖) : part marginale mais présente.

Les interfaces utilisateurs sont assez similaires, il est possible de trouver de tout sur chacune d’elles tant de la restauration, des achats en ligne, de la commande de repas que de la réservation / location de moyens de transport, des voyages etc, etc… De plus pour la plupart, elles reconnaissent l’anglais ce qui est très utile pour les étrangers comme moi… 😉


Chiffres Clés Estimés (Pékin)

CatégorieEstimation (par jour)Commentaires
Nombre de coursiers300 000 – 400 000Actifs sur les plateformes (dont beaucoup à temps partiel).
Repas livrés4 – 5 millionsPic à 6M/jour en période de confinement (2024).
Colis distribués8 – 10 millionsInclut e-commerce, express, etc.
  • Pékin représente 8-10% du marché national de la livraison.
  • Impact des politiques « zéro carbone » : 90% des livraisons se font en vélo/électrique dans le centre-ville.

Chiffre d’Affaires Annuel (2024)

  • Secteur alimentaire (Pékin) : ~35-40 milliards RMB (env. 4,8-5,5 Mds€).
  • Secteur colis (Pékin) : ~60-70 milliards RMB (env. 8,3-9,7 Mds€).
  • CA national des plateformes :
    • Meituan : 100+ Mds RMB (tous services).
    • Ele.me : ~40 Mds RMB.

Tendances Récentes

  1. Consolidation : Meituan et Ele.me dominent 95% du marché alimentaire.
  2. Automatisation : Déploiement de drones (JD) et robots livreurs dans les zones technologiques (Zhongguancun).
  3. Régulations :
    • Plafonnement des commissions (max. 15-18% pour les restaurants).
    • Assurance obligatoire pour les livreurs.
  4. Diversification : Livraison en 15-30 min (épicerie, pharmacie) via Meituan Grocery, Dingdong Maicai.

Il est intéressant de voir quel partie du commerce est couverte par les plateformes par rapport au commerce traditionnel ici à Pékin.

1. Biens de Consommation Courants

CatégoriePart des PlateformesPart du Commerce Traditionnel
Électronique75-80%20-25%
Vêtements60-65%35-40%
Produits Frais (fruits, légumes, viande)35-40%60-65%
Épicerie30-35%65-70%

*Source : Rapport NBS 2024 / Analysys*

2. Services

CatégoriePart des Plateformes
Restauration85-90%*
Livraison Colis95%+
Taxis/VTC90-95%

*Note : Pour la restauration, 55-60% des commandes sur place passent par des apps (réservation, paiement), et 85-90% des repas à emporter sont gérés via Meituan/Ele.me.

Tendances Clés

  • Food Delivery Dominance :
    • 90% des restaurants de Pékin utilisent Meituan ou Ele.me.
    • Seuls 10% des petits commerces (ruelles hutong) restent 100% « traditionnels ».
  • Nouveaux Modèles Hybrides :
    • « Phygital » : Chaînes comme Hema (Alibaba) ou 7Fresh (JD) combinent magasin physique + appli (50% des ventes via commande en ligne).
    • Commerce Social : 25% des achats via Douyin (TikTok) ou Xiaohongshu.
  • Zones Rurales Périphériques :
    • La pénétration des plateformes chute à 40-50% (vs 80%+ dans le centre-ville).

Un certain nombre de facteurs explique cette explosion du commerce numérique :

  1. Convenience Culture :
    • Livraison en <30 min pour 68% des Pékinois (MobTech 2025).
  2. Subventions :
    • Réductions moyennes de 15-20% sur les apps vs magasins physiques.
  3. Paiements Digitaux :
    • 95% des transactions à Pékin passent par WeChat Pay/Alipay.
  4. Impact Post-Covid :
    • +25% d’utilisateurs permanents des plateformes depuis 2022 (CNNIC).

Cette tendance d’une domination écrasante des plateformes pour les services et l’électronique avec une meilleure résistance du commerce physique sur le frais et l’épicerie n’est pas propre à Pékin. Les autres mégapoles comme Shanghai, Guangzhou et autres présentent les mêmes tendances et le reste de la Chine va suivre assurément, ce n’est qu’une question de temps comme beaucoup de choses ici. Néanmoins n’oublions pas le paradoxe de la numérisation des services et du commerce, cela n’est possible et ne fonctionne que parce qu’il y a des centaines de milliers de personnes qui s’activent comme jamais pour que tout soit préparé, emballé, et livré en temps et en heure, ce ne sont finalement ni les programmes informatiques, ni les smartphones, ni les stations de travail qui font effectivement le job, ce sont tous ces ouvriers dans la logistique et la livraison, tous ses petits jobs aux horaires contraignants et au salaire de misère qui rendent cela possible, les esclaves des temps moderne en quelque sorte, est-ce vraiment un progrès ou n’est-ce qu’un confort pour certains, Beau sujet de dissertation: vous avez 3 heures !

Voilà un petit peu de ce qui se passe et ec que j’observe ici, en espérant que cela vous ait intéressé ! N’hésitez pas à commenter ci dessous.

A bientôt pour d’autres découvertes.

4 réflexions au sujet de « Ils sont l’épine dorsale du commerce numérique chinois »

  1. Salut Jean-Marc,
    beau reportage qui montre que les « petits » sont comme partout au service des « grands, ou puissants » avec plus ou moins de bonheur !

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